« Descends souvent dans ton cœur, pour en sonder les replis les plus cachés.

La connaissance de soi-même est le grand pivot des préceptes maçonniques.

Ton âme est la pierre brute qu’il faut dégrossir :

offre à la Divinité l’hommage de tes affections réglées, de tes passions vaincues. »

(Règle Maçonnique, Article VII).

 

Dans les phrases extraites de la correspondance de Jean-Baptiste Willermoz, se trouve une parfaite définition de la « sincérité » en tant que vertu transformatrice qui est proposée au Frères du Régime, mais qui ont oublié le sens de cette vertu et perdu la conscience de sa forme, ainsi que l’étendue de son action souveraine sur l’âme de l’homme de désir, vertu le rendant capable, précisément, d’accéder aux « faits de l’intelligence ».

On ne mesure peut-être pas à sa juste dimension, l’extrême clairvoyance de l’analyse exprimée par Jean-Baptiste Willermoz, comme cela apparaît dans une lettre envoyée à Joseph de Maistre, portant sur cette « mort intellectuelle » se signalant chez l’homme actuel, mort se traduisant par une triste dépendance et une absence quasi totale de maîtrise à l’égard des instincts, troubles et pensées qui surgissent et traversent sa conscience. [1]

Mais le point qui doit nous intéresser porte principalement sur l’acte, essentiel s’il en est, consistant à effectuer un examen sincère de notre condition ainsi exprimé dans le célèbre Discours à un Apprenti reçu d’Italie :  « C’est donc dans cet état d’un sincère retour sur lui – même que l’homme reçoit sa paye, car, lorsque ce retour est réellement sincère, est infailliblement suivi d’une douce émotion qu’il est plus aisé de sentir que d’exprimer. L’on sait bien que l’on n’est pas au bout de la carrière, mais du moins, qu’elle satisfaction n’a‑t‑on pas de se voir dans la seule route qui y conduise et quelque éloignée que soit la lumière. elle est si grande qu’elle éclaire quiconque la cherche sincèrement. » [2]

L’idée d’un exercice actif de la « sincérité » apparaît de la sorte comme indispensable pour les frères désireux de s’approcher de la lumière, et s’il était nécessaire de s’en convaincre, il suffirait simplement qu’ils relisent avec attention les conseils donnés aux « Apprentis » dans la Règle Maçonnique qui leur est destinée, décrivant avec un scrupuleux souci méthodique les principes, appuyés sur la « sincérité », qu’ils se doivent d’observer et ne point « oublier » :  « Descends souvent dans ton cœur, pour en sonder les replis les plus cachés. La connaissance de soi-même est le grand pivot des préceptes maçonniques. Ton âme est la pierre brute qu’il faut dégrossir : offre à la Divinité l’hommage de tes affections réglées, de tes passions vaincues. Que tes mœurs chastes et sévères soient tes compagnes inséparables, et te rendent respectable aux yeux des profanes ; que ton âme soit pure, droite, vraie et humble. L’orgueil est l’ennemi le plus dangereux de l’homme, il l’entretient dans une confiance illusoire de ses forces. Que l’idée sublime de la toute-présence de Dieu te fortifie, te soutienne ; renouvelle chaque matin le vœu de devenir meilleur : veille et prie. Et lorsque sur le soir ton cœur satisfait te rappelle une bonne action, ou quelque victoire remportée sur toi-même, alors seulement repose tranquillement dans le sein de la Providence et reprends de nouvelles forces. » [3]

Notes

1. Comme le constate très bien Willermoz : « Cela ne pourrait en être autrement puisque l’homme corporel ne communique plus avec le centre de la pensée et de l’intelligence. Aussi il ne peut être susceptible que de deux sortes d’idées ; les une purement sensibles sont excitées en lui par la perception des objets matériels soumis à ses sens ; les autres intellectuelles lui viennent aussi par les sens quoiqu’elles n’aient de rapport qu’avec son intelligence, qui les juge les adopte ou les rejette. C’est aussi par cette voie des sens qu’il éprouve l’action des deux causes opposées […]. Ainsi toutes les pensées de l’homme actuel sont produites en lui par les « êtres » qui l’environnent.» (Instructions).

2. Discours savant et très lumineux pour la réception d’un  apprenti  franc‑maçon, reçu d’Italie, 1780, BM Lyon – Ms 5921-10.

3. Règle Maçonnique, Article VII, 1,2 & 4.