« Vous avez encore appris, qu’il a été dit aux anciens : ‘‘Vous ne vous parjurerez point ; mais vous vous acquitterez envers le Seigneur des serments que vous aurez faits’’. Et moi je vous dis, ‘‘ne jurer en aucune sorte, ni par le ciel, parce que c’est le trône de Dieu ; ni par la terre, parce qu’elle sert comme d’escabeau à ses pieds ; ni par Jérusalem, parce que c’est la ville du grand Roi. Vous ne jurerez pas aussi par votre tête, parce que vous ne pouvez en rendre un seul cheveu blanc ou noir. Mais contentez-vous de dire’’, « Cela est, cela est « ; ou, « Cela n’est pas » : car ce qui est de plus, vient du malin. » (Matthieu V, 33-37).

 

« Je trouve cet endroit de l’Évangile, un des plus touchants de la doctrine chrétienne, parce que le Fils de Dieu y établit la plus aimable de toutes  les vertus, qui est la Sincérité.

Le chrétien ne ment jamais ; il dit : « Cela est, cela n’est pas » (Matth., V, 29, 30) : et cette parole tient lieu de tout serment.

Car au lieu de jurer ou par le ciel, ou par la terre, ou par la sainte cité, ou par sa tête, ou en quelque autre manière que ce soit, on lui ordonne pour toute réponse : « Cela est, cela n’est pas : oui » et « non. » Le mensonge ne trouve point de place dans une expression si simple : elle ne souffre point non plus de déguisement : car sans détour ni embarras, on répond : « Cela est, cela n’est pas  » et la Sincérité d’un chrétien doit être si parfaite et si connue, qu’on s’en tienne à sa simple parole, comme s’il avait fait mille serments de toutes les sortes.

Cette parole est bien forte : « Tout ce qui est au delà vient du malin » (Matth., XVIII, 6) : ou du mal. Tout ce qu’on dit de plus, que « cela est, cela n’est pas, » c’est la dureté des cœurs, c’est la malice et la fourberie, c’est le démon en un mot qui l’a introduit.

Revenons donc à l’origine : rendons-nous si croyables par notre Sincérité, qu’on se fie à nous à cette simple parole : « Cela est, cela n’est pas : oui » et « non. »

J.-B. Bossuet, Méditations sur les Évangiles, XVIe journée, 1710.