Nous sommes en présence avec le Régime Écossais Rectifié, d’un vaste projet, projet de rétablissement de « l’unité chrétienne », projet également de combat contre l’indifférence en matière religieuse à un moment où la « libre pensée », le scientisme, prenaient une importance considérable dans les esprits, et où les ferments viciés d’une fausse conception du laïcisme se répandaient dangereusement et donneront les fruits amers que nous savons en 1793 : « au moment où le christianisme a perdu tant de terrain dans les esprits et où les faux savants, arrachant le froment de l’ivraie, ont guéri les préjugés « comme la gangrène guérit la douleur » [1]

Maistre voulait faire du Régime rectifié l’instrument effectif  du redressement de la foi et de la religion, mais selon une conception « transcendante et œcuménique », loin de tous les dogmatismes, et d’ailleurs, abordant la connaissance du « christianisme transcendant », Maistre le désignait comme devant être consacré, selon l’expression magnifique qu’il emploie, à la « révélation de la Révélation », à la connaissance sublime car, « tout homme entraîné vers les croyances chrétiennes sera nécessairement ravi de trouver la solution de plusieurs difficultés pénibles dans les connaissances que nous possédons ». [2]

C’est l’ouverture vers la contemplation des vérités sacrées et de la connaissance des mystères oubliés par l’Église depuis le VIe siècle, préparation initiale à leur mise en œuvre, et surtout leur exposition doctrinale complète, au sein de la classe non ostensible de « l’Ordre ».

C’est le temps de la recherche approfondie au sujet de la nature initiatique du christianisme, du sens réel des allégories sacrées, des mystères de l’Écriture : « Que les uns s’enfoncent courageusement dans les études d’érudition qui peuvent multiplier nos titres et éclaircir ceux que nous possédons. Que d’autres, que leur génie appelle aux contemplations métaphysiques, cherchent dans la nature même des choses les preuves de notre doctrine. Que d’autres enfin (et plaise à Dieu qu’il en existe beaucoup!) nous disent ce qu’ils ont appris de cet esprit qui souffle où il veut, comme il veut et quant il veut.» [3]

Notes.

1.Émile Dermenghem (1892-1971) faisait remarquer avec justesse, que « ce passage prouve que, dès cette date, joseph de Maistre a conçu sa fameuse théorie de la « superstition », déjà il la juge préférable au pyrrhonisme, et il y cherche un « résidu divin ». (Cf. É. Dermenghem, Joseph de Maistre mystique, La Colombe, 1948, p. 67).

2. J. de Maistre, Œuvres Complètes, vol. II, 1834, p. 109.

3. Ibid., p. 112..